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25 décembre 2007 2 25 /12 /décembre /2007 12:19
Les viticulteurs français et européens vont être livrés à la loi de la jungle
 
Mariann Fisher Boel peut se frotter les mains. Après plusieurs mois de négociations la commissaire européenne à l’agriculture a obtenu l’essentiel de ce qu’elle cherchait à faire entériner par les Etats membres. Avec la version définitive de la réforme de l’Organisation Commune de Marché viticole adoptée le 19 décembre dernier par les ministres de l’agriculture (voir ici), la viticulture européenne va donc connaître une vague de libéralisation sans précédent depuis la création de la politique agricole commune en 1957.
 
La sauvegarde des AOC, locomotive pour toute la profession, référence mondiale en terme de qualité, était au cœur de tous les enjeux.
 
Or les AOC sont loin d’être sauvées avec cette réforme. La mise en concurrence des appellations liées au terroir et au savoir faire viticole avec les vins de marque ou sans indications géographiques a certes été retardée sur un point, la suppression des droits de plantation ayant été repoussée pour l’instant à une date ultérieure (2015 au lieu de 2011), mais l’essentiel des autres mesures de libéralisation proposées par Bruxelles a été adopté.
 
La grande distribution et le grand négoce peuvent notamment se réjouir de l’entrée en vigueur de la déréglementation de l’étiquetage qui consiste à permettre aux vins de marque ou sans indication géographique de faire figurer le cépage et le millésime. La réjouissance n’est par contre pas du tout de mise sur ce point pour les viticulteurs. Cette décision sans précédent va mettre en concurrence frontale les AOC avec les vins de bas de gamme et tirer tout le monde vers le bas.
 
Qu’on ne nous présente pas non plus comme une avancée le fait que la commission établisse un bilan des pratiques œnologiques mondiales avant d’apporter le moment venu ses propositions de réforme dans ce domaine. La réalité c’est que les chefs d’Etats étaient jusqu’ici seuls à décider en matière de pratiques œnologiques et sont désormais dessaisis de ce pouvoir décisif pour la défense de la viticulture de terroir.
 
Ni comme une avancée celle de l’introduction des DPU dans le monde viticole, ces soutiens découplés de la production vont se traduire par des distorsions de concurrence sans précédent entre viticulteurs, entre appellations, entre vins avec indication géographique ou non et entre caves viticoles, ou encore entre pays communautaires. Cette introduction préfigure d’autre part à terme la fin de l’OCM viticole, c'est-à-dire d’un instrument communautaire de régulation des marchés propre à la viticulture.
 
Les enseignements de la crise actuelle n’ont pas été pris en compte
 
La crise dans laquelle est plongé le marché viticole mondial depuis plusieurs années doit amener à réfléchir non pas à calquer nos vins et nos réglementations sur ce qui se fait de mauvais ailleurs, mais à tirer tout le monde vers le haut.
 
Cela suppose non pas de fuir tête baissée dans la libéralisation en abandonnant en rase campagne les outils de régulation, mais de se battre pour les maintenir et les renforcer. Cela demande de tirer toutes les leçons de ce qui n’a pas marché et notamment d’élargir ces instruments jusqu’au niveau mondial.
 
Or, des fonds communautaires sans précédent vont être consacrés à l’arrachage unilatéral de 175 000 ha de vignes en Europe, livrant sans résistance des parts marché considérables à la concurrence bas de gamme, mettant à genoux la coopération viticole, principal point d’ancrage qualitatif face aux vins du nouveau monde. Les viticulteurs européens - français en tête – et leurs caves viticoles ne peuvent être une variable d’ajustement à la crise ou une monnaie d’échange. Si arrachage il doit y avoir, celui-ci ne peut être unilatéral, mais mondial.
 
La distillation de crise, un des outils de régulation indispensables à la viticulture - notamment en cas de surproduction due aux situations climatiques exceptionnelles - est par ailleurs progressivement diminuée pour être définitivement supprimée au bout des quatre prochaines années. Il est au contraire particulièrement déterminant de maintenir cet outil communautaire au risque d’aller vers de nouvelles crises.
 
Mariann Fischer Boel a été on ne peut plus claire à ce propos : « Supprimer la distillation est fondamental mais ne sera pas si grave pour les viticulteurs. C’est le marché lui-même qui en définitive régulera la production, ce qui est tout de même moins coûteux pour le contribuable » On aimerait lui entendre dire que ce qui est coûteux pour le contribuable c’est la dévitalisation des campagnes, le chômage et les déséquilibres dans le financement des caisses de retraites des exploitants agricoles et des salariés liés aux pertes d’activités, l’alourdissement du déficit de la balance commerciale du à la perte de parts de marchés et à la montée des importations.
 
Quant à la suppression des droits de plantation, si la commission a fini par accepter de reculer l’échéance sur ce point c’est pour mieux revenir à la charge le moment venu. Il faut au contraire maintenir cet instrument qui de l’avis général est fondamental pour réguler l’offre et défendre la qualité, et engager des négociations pour le faire respecter scrupuleusement en Europe et l'étendre au niveau mondial.
 
Le Modef Paca appelle à s’opposer à la casse des AOC. Alors que l’offre mondiale en vin est déficitaire et que la demande en vins de qualité accroît sa progression il demande un plan de grande envergure pour sauver les coopératives et la viticulture française et européenne de qualité du désastre. Il appelle les viticulteurs et l’ensemble des organisations professionnelles à s’opposer à l’arrachage et à exiger des moyens sans précédent pour remettre les trésoreries à flot, pour poursuivre la modernisation du secteur, et pour la promotion des vins de qualité sur le marché européen et mondial.
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