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7 janvier 2007 7 07 /01 /janvier /2007 13:59
« Les agriculteurs vont devoir chercher un travail d'appoint »
 
La commissaire européenne à l’agriculture a tenu à avertir le 30 décembre en guise de vœux aux paysans qu’il leur faudra « chercher un travail d’appoint après la diminution des subventions agricoles prévue en 2013 »
 
« Les agriculteurs vivront à la campagne mais auront besoin de revenus en dehors de l’agriculture » a-t-elle ajouté dans l’interview qu’elle a accordée au Financial Times, journal emblématique des milieux d’affaires et boursiers. Consulter ici le communiqué de l’AFP
 
Menant campagne de longue date pour l’arrêt de toute intervention des Etats membres et de la communauté sur les marchés agricoles, dont les aides agricoles européennes sont aujourd’hui un des aspects majeurs, Mariann Fisher Boel a au moins le mérite de la continuité et de la franchise.
 
Rappelons en effet à tous ceux qui font mine de découvrir la dureté de tels propos, notamment la FNSEA et les pouvoirs publics français – (voir ici la prise de position de la FNSEA,  et celle de Domique Bussereau), que cette déclaration s’inscrit en toute logique dans le prolongement des décisions prises unanimement par les chefs d’Etat et de gouvernement européen dans le cadre des accords de Barcelone au début des années 2000, accords destinés à libéraliser en grand le marché européen, et dont une des recommandations concernait l’agriculture. Rappelons également que cette déclaration de la commissaire européenne s’inscrit tout autant dans la logique de la constitution européenne – constitution largement soutenue par ceux qui critiquent aujourd’hui les propos de Mariann Fisher Boel – et qui prévoit notamment l’abandon de la préférence communautaire, c'est-à-dire un outil d’intervention décisif en matière d’agriculture.
 
C’est aujourd’hui la Politique Agricole Commune elle même qui est menacée
 
Totalement inscrite dans le cadre de la feuille de route de Barcelone, la réforme de la Pac de 2003 n’est pas un simple aménagement d’ordre agri environnemental ou budgétaire, sans aucun rapport avec les actuelles orientations communautaires destinées à pousser les feux du libre échange. Cette réforme constitue au contraire le premier acte d’une série d’autres, les réformes en cours des OCM en témoignent, destinés à remettre en question par touches successives la Politique agricole commune elle même, dont la création et les aménagements ont reposé jusqu'au début des années 90 sur le principe d’intervention vis-à-vis des marchés afin d’assurer la souveraineté alimentaire.
 
Les nouvelles exigences des multinationales de l’agro business et de la distribution en terme de profit financier appellent une libéralisation massive des marchés agricoles et s’opposent désormais frontalement à toute intervention.
 
Les agriculteurs et parmi eux en première ligne les petits et moyens exploitants sont dans ce nouveau cadre appelés à devenir de simple entreprises sous traitantes. C’est la fonction même de satisfaction des besoins alimentaires - en quantité et en qualité - qui est remise en cause et au delà, le rôle sociétal et territorial des exploitations agricoles.
 
Le gouvernement français a beau critiquer les propos de Mme Fisher Boel, il vient de faire voter lui-même par le parlement une loi qui va totalement dans le même sens, en créant le nouveau « statut d’entreprise agricole »
 
Mariann Fisher Boel parle de 2013 pour un changement radical dans la politique agricole commune, mais la réalité c’est que ce processus est déjà largement engagé et s’accélère. Nombre d’exploitants familiaux tentent d’ores et déjà de se maintenir tant bien que mal par la pluriactivité, et des milliers d’entre eux n’y arrivent pas et sont contraints de cesser toute activité agricole.
 
La réalité est que Mme Fisher Boel prépare le terrain pour un changement radical de la Pac dès son examen à mi parcours en 2008.
 
Le Modef n’a depuis sa création dans les années 60 pas varié : Il s’est opposé sans concessions et continuera de s’opposer à ces choix, qui ont déjà par le passé abouti aux concentrations massives et qui organisent aujourd’hui en grand la déterritorialisation de l’agriculture et sa sortie du champ de responsabilité de l’Europe et des Etats.
 
Pour pouvoir faire face aux défis de souveraineté et de sécurité alimentaire et aux défis territoriaux, une autre Politique Agricole Commune, privilégiant les exploitations familiales, les prix rémunérateurs et les coopérations, contre le pillage des ressources agricoles et du travail paysan par les multinationales, seule à même de construire du développement durable, n’a jamais été aussi indispensable.
 
Les luttes unies des paysans, les convergences d’action avec l’ensemble des citoyens peuvent y parvenir, comme l’a montré la victoire du Non lors du référendum sur la constitution européenne. C'est à n'en pas douter ce qui inquiète Mme Fisher Boel et motive sa prise de position.
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