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25 juin 2006 7 25 /06 /juin /2006 18:01
Le projet de réforme de l’OCM vitivinicole a été rendu public le 22 juin par la commission de Bruxelles, suscitant à juste titre l’inquiétude la plus vive du monde vigneron, qui doit par ailleurs faire face à la crise la plus importante qu’il ait connu depuis celle du phylloxera au début du siècle dernier. Loin de répondre aux graves difficultés auxquelles sont confrontés les vignerons, et alors que le marché mondial du vin affiche une croissance régulière, le projet propose au contraire une fuite en avant à marche forcée dans le libéralisme le plus dur.
 
Le projet de la commission
 
1) Suppression des outils de gestion du marché (avec effet immédiat dès l’entrée en vigueur de la réforme en 2008)
 
·       Fin des distillations de crise
Mais aussi :
·       Fin des soutiens à la distillation des sous produits, de l’alcool de bouche et des vins issus des variétés à double classement
·       Fin de l’aide au stockage privé
·       Fin des aides relatives aux moûts (enrichissement des vins et fabrication de jus de raisin)
 
2) Restructuration/ concentration /agro industrialisation du secteur viticole : Bruxelles veut aller très vite et très loin dans cette direction en engageant un plan drastique d’arrachage et en abolissant les droits de plantation.
 
A propos de l’arrachage : 2,4 milliards d’euro sont prévus sur 5 ans pour l’arrachage (hors participation éventuelle des Etats), avec pour objectif la destruction de 400 000 ha de vignoble soit 12,5% des 3,2 millions d’ha existants dans l’Europe des 15. A noter que ce plan d’arrachage représente 45% du total du vignoble français, mais également l’équivalent des surfaces viticoles des 12 pays nouveaux entrants dans la communauté et plus de 5% des surfaces viticoles mondiales. La commission recommande parallèlement d’inciter « prioritairement les producteurs les moins compétitifs » à arracher. Pour aller le plus vite possible dans cette direction, l’aide à l’arrachage sera dégressive sur les 5 années du plan. Il est prévu par la suite de supprimer toute intervention directe de Bruxelles en matière d’arrachage (« économie budgétaire ») par la mise en place d’instruments « d’autorégulation » (éligibilité aux DPU des terres arrachées à titre privé).  
 
Droits de plantation : Il est d’une part prévu de mettre en place un système incitatif pour amener les producteurs « les moins compétitifs » à vendre leurs droits et donc à arrêter leur activité. Mais l’objectif de la réforme consiste surtout en la suppression définitive de cet outil de régulation décisif (même si il a pu être contourné jusqu’ici par certains pays comme l’Italie ou l’Espagne), en vue de « permettre aux producteurs de vin les plus compétitifs » de s’agrandir sans obstacle. Avec cette suppression, certains outils de régulation des surfaces propres aux indications géographiques (AOC,…) pourraient éventuellement continuer de s’appliquer, mais les plantations en vins de marque et de cépages seraient de leur côté illimitées.
 
Rien n’a été laissé par Bruxelles au hasard. Un arsenal complémentaire visant à lever tout obstacle à la restructuration du secteur viticole est également prévu : Plan de mise en retraite anticipée, aide au transfert d’exploitation (18 000 à 180 000 euro par unité de production),… ceci en basculant tout ou partie du budget de l’OCM consacré au marché et aux aides directes vers le second pilier (développement rural)
 
3) Le cœur de la réforme de l’OCM : Le coup de grâce porté aux AOC
 
Il ne s’agit pas simplement dans ce projet de réforme de réduire de manière drastique les surfaces viticoles et d’agrandir les exploitations. Bruxelles va beaucoup plus loin, en s’attaquant aux AOC, L’OBSTACLE à la libéralisation du marché.
 
La commission prévoit en effet d’instaurer deux nouvelles catégories de vins : Celle des vins sans « Indication Géographique » (vins de cépage, vins de marque) et celle des vins avec Indication Géographique (vins de qualité). Cette dernière catégorie ne reprendrait pas à l’identique le dispositif existant (AOC,…) mais séparerait les vins de qualité en deux sous catégories distinctes : les AOP (c'est-à-dire un équivalent amoindri des AOC) et les simples IGP.
 
L’objectif visé par Bruxelles n’est pas un simple toilettage de la réglementation des vins, notamment pour s’attaquer à la question des abus de certains ou pour mieux protéger les producteurs dans le cadre de la mondialisation des marchés. Il s’agit tout au contraire « conformément aux dispositions et règles de l’OMC » de permettre une modification des pratiques œnologiques et d'étiquetage en vue d’aligner la viticulture européenne sur la concurrence et sur les pratiques marketing du nouveau monde:
 
·       En autorisant dans l’union pour les vins à exporter les pratiques œnologiques « approuvées » au niveau international (utilisation de copeaux de bois,….)
·       En supprimant « l’exigence relative au titre alcoométrique naturel minimal »
·       En modifiant les règles d’étiquetage « afin de prendre en compte les politiques de l’OMC » notamment par « l’abandon de la distinction entre vins d’indication géographique et vins sans indication géographique », par « l’indication plus facile de la variété de vigne et de l’année de récolte pour les vins sans Indication Géographique », et par « l’adaptation de la politique d’étiquetage concernant les marques ».
·       En réexaminant l’interdiction communautaire existante de vinifier les moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins non communautaires.
 
Afin de s’assurer qu’aucune opposition ne puisse aboutir à remettre en cause la cohérence de cette réforme, Bruxelles propose de dessaisir le Conseil européen (assemblée des chefs d’Etat) de la capacité qui lui était jusqu’ici dévolue d’approbation ou non des pratiques œnologiques de l’union, pour la transférer entre les mains de la commission elle-même.
 
Le Modef en appelle à la mobilisation générale  
 
Le Modef Paca s’élève contre toutes les mesures sans exception prévues par Bruxelles mais également contre l’esprit de ce plan de réforme qui non seulement ne peuvent résoudre les difficultés mais vont aboutir rapidement à la destruction de milliers d’exploitations viticoles familiales et à une concentration agro industrielle inédite du secteur, fragilisant toute la filière (coopératives, fournisseurs, services) et posant des questions économiques, territoriales, paysagères et environnementales majeures.  
 
Devant l’extrême gravité du projet et face à la brutalité de la commission, le Modef Paca soutient la proposition d’une riposte d’ampleur nationale, voire européenne seule à même de changer la donne. Il appelle l’ensemble des vignerons et l’ensemble des organisations professionnelles à se mobiliser et à s’unir en ce sens.
 
Il rappelle les principales propositions du Modef pour le maintien d’une viticulture familiale : Prix rémunérant le travail, encadrement des marges de la grande distribution, préférence communautaire, maintien des AOC et élargissement des critères de l’AOC à l’ensemble de l’union européenne, promotion et soutiens à la qualité, sortie de la viticulture de l’OMC et aides conjoncturelles européennes (distillation, trésorerie,…) à la hauteur de la crise.
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