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27 avril 2006 4 27 /04 /avril /2006 09:13

La filière ovine: Un laboratoire du libéralisme

Depuis plus de 20 ans la filière ovine européenne a plus que tout autre secteur servi de précurseur à la libéralisation des marchés : OCM ovine favorisant une guerre économique intra communautaire ouverte, remise en cause de la préférence communautaire et marché européen offert sur un plateau aux pays producteurs à bas prix de l'hémisphère sud, montants des aides compensatoires largement insuffisants pour pouvoir permettre de dégager un revenu correct de son travail, suppression en 2001 du lien entre le montant des aides et les prix à la production? Seule la montée en puissance dans le cadre d'Agenda 2000 des aides agri environnementales a apporté aux éleveurs une certaine note positive dans ce cortège d'abandons successifs des pouvoirs publics européens et français.

Le bilan de ces politiques parle de lui-même : Entre 1992 et 2002 des dizaines de milliers d'éleveurs français ont fait les frais de ces remises en cause, au bénéfice exclusif des géants du commerce international, méga producteurs ou grand distributeurs.

Le léger mieux observé sur les prix entre 2001 et 2002 pendant la crise de la fièvre aphteuse au Royaume Uni n'aura été que de courte durée.

Le revenu moyen toutes primes comprises des éleveurs ovins français est aujourd'hui le plus bas de tous les agriculteurs. Il est inférieur de moitié au revenu moyen de l'ensemble des exploitants. Ces 10 dernières années, la France a perdu 20 000 éleveurs ovins et 1 million de brebis, elle importe à ce jour 60 % de la viande ovine qu'elle consomme (85% en région Paca !).

Encore faut il prendre en compte les disparités internes à la filière nationale : Les éleveurs ovins viande qui représentent la majorité ne bénéficient pas de la valorisation laitière. Ils ont payé un tribut beaucoup plus lourd à la baisse des prix que leurs collègues qui travaillent pour l'élaboration de fromages AOC, Roquefort ou Pyrénées.

Mais les autres pays de la communauté ne sont pas en reste : Si le Royaume Uni, l'Irlande et l'Espagne, pays à bas coûts de production ont réussi dans une certaine mesure à tirer leur épingle du jeu grâce à des soutiens communautaires taillés sur mesure pour eux, l'UE est malgré tout globalement déficitaire à près de 30% en viande ovine.

Sans les efforts sans précédent des éleveurs français pour défendre et améliorer la qualité de leur produit et pour moderniser leurs exploitations, la situation de l'élevage ovin viande national serait beaucoup plus grave encore.

Qu'attendre de la réforme de la PAC ?

La nouvelle vague de libéralisation des marchés initiée depuis 2005 par la réforme de la PAC ne peut qu'aggraver la situation, aller vers de nouvelles baisses de prix et accélérer une remise en cause de l'élevage ovin national déjà largement entamée.

Les résultats de la campagne 2005 sont là pour en témoigner : Les prix à la production de la viande d'agneau ont enregistré une chute moyenne de l'ordre de 20% sur le marché français, une baisse historique jamais vue jusqu'ici.

L'élevage ovin européen est lui aussi gravement touché par cette réforme. Les statistiques de 2005 indiquent que des pays producteurs de premier plan enregistrent une diminution inédite de leur cheptel (-500 000 brebis en Espagne).

Les causes de cette nouvelle aggravation qui dépassent cette fois le cadre français ne sont pas à chercher bien loin :

- Découplage des aides de la production : Hormis notamment la France, la plupart des grands pays producteurs européens ont opté en 2005 pour le découplage total des aides ovines. Les effets ont été immédiats : de nombreux éleveurs britanniques, irlandais ou espagnols ont fait le choix tout en conservant le bénéfice des aides de se reporter sur d'autres productions plus rémunératrices. Il est plus que probable que ce mouvement de désengagement se poursuive à l'avenir.

- face à ces conséquences prévisibles la commission européenne a décidé d'augmenter les quotas d'importation de viande ovine en provenance de l'hémisphère sud, notamment en viande fraîche réfrigérée (« Chilled »), importations désormais permises par l'amélioration des techniques de conservation. Avec de tels choix, les prix à la production sont volontairement poussés à la baisse.

Les perspectives d'avenir restent en l'état des orientations politiques dominantes des plus sombres : Alors que les marges de manoeuvre des éleveurs en terme de productivité sont désormais très faibles, la baisse des aides communautaires liée à la modulation, le coup de frein de plus en plus prévisible sur les budgets agri environnementaux, l'entrée des pays d'Europe centrale dans la communauté, certains d'entre eux comme la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie étant d'importants pays producteurs à des prix de revient très bas (3 euros le kg contre 7,5 euros en France), sont loin de jouer en faveur de l'élevage national et européen.

 

A quel jeu joue le ministre de l'agriculture?

Est-ce pour éviter la critique que le ministre de l'agriculture refuse obstinément d'aborder publiquement les problèmes de la filière ovine ? Va-t-on laisser l'élevage national disparaître ? Va-t-on laisser les déficits français et européens en viande ovine s'aggraver encore ?

Il n'y aura pas d'issue à la crise sans s'attaquer au marché. Le gouvernement doit donner pour cela des perspectives claires et prendre sans aucun délai les mesures qui s'imposent.

Le MODEF exige de toute urgence un plan national et européen de relance de la filière afin de garantir un revenu à chaque éleveur :

  • Interdire toute importation de « Chilled » pendant les pics de production et mettre en place des calendriers d'importation intra communautaires négociés, notamment avec les nouveaux pays entrants. Rendre transparents et réellement contraignants l'étiquetage et la traçabilité. 
  •  Instaurer le coefficient multiplicateur
  • Supprimer le découplage des aides de la production. Revaloriser les aides du premier pilier destinées aux éleveurs ovins en diminuant le montant des aides des grands céréaliers. 2è pilier : Faire beaucoup plus qu'aujourd'hui afin de prendre en compte réellement la qualité et la multifonctionnalité.
  • Soutenir les abattoirs locaux. L'équarrissage doit redevenir un service public.
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