Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 juin 2008 3 04 /06 /juin /2008 11:04

La flambée des prix des carburants rend plus nécessaire que jamais une augmentation des prix agricoles afin de pouvoir continuer à vivre du travail de la terre. Or les centrales d'achat imposent aux paysans des prix de plus en plus bas et une concurrence massive des produits d'importation. Pris en tenaille entre des coûts de production qui explosent (+40% en 1 an sur le gasoil, +100% en 2 ans sur les engrais) et des prix à la production qui diminuent, comment continuer à produire quand c'est pour vendre à perte ?

En plein débat parlementaire sur la loi de modernisation de l'économie qui veut « au nom du pouvoir d'achat » accélérer les baisses de prix à la production, les fédérations Modef de Vaucluse et des Bouches du Rhône ont organisé le 30 mai dernier deux actions de relevés de prix dans les rayons fruits et légumes de la grande distribution afin de faire la démonstration des pratiques catastrophiques de ces dernières, non seulement pour les agriculteurs mais aussi pour le consommateur.

Les produits importés inondent les rayons

Les relevés ont été effectués par une quinzaine d'agriculteurs militants du Modef dans le magasin Lidl de Châteaurenard et dans l'hypermarché Auchan Mistral 7 à Avignon, en présence des médias.

Chez Lidl, enseigne généralement réputée pour favoriser les fruits et légumes français, les produits d'importation sont légion. Pêches, nectarines, abricots, poivrons rouges, carottes et ail sont par exemple d'origine espagnole, bien qu'actuellement produits en France. Les poires sont argentines et on ne trouve pas de cerises en rayon alors que les productions de cerises battent leur plein dans la région Paca et en France.

Les produits français présents dans les rayons de l'enseigne de hard discount sont souvent de très mauvaise qualité : Tomates rondes de petit calibre et abîmées, fraises pourries, salades flétries...

L'hypermarché Auchan Mistral 7 ne fait pas mieux de son côté par rapport aux produits importés. Poivrons, pêches et nectarines y sont d'origine espagnole. Les pommes royal gala sont brésiliennes ou chiliennes, les granny smith chiliennes, le raisin chilien ou d'Afrique du sud. Au rayon des produits français, si la qualité moyenne est meilleure que chez Lidl, les cerises burlat sont pourtant d'un calibre inférieur à celui correspondant au prix annoncé et certaines fraises sont comme chez Lidl en limite de consommation, voire au delà.

Les marges abusives sont omniprésentes

Les relevés de prix effectués dans les 2 magasins ont été comparés avec les prix à la production du jour ou avec les cours des produits importés rendus sur le marché français. Ils font apparaître des marges anormalement élevées sur la grande majorité des produits, allant de près de 3 fois entre le prix producteur et le prix en rayon (pêches, abricots, pommes), à plus de 3 fois (poivrons rouges et verts, melons), voire même à près de 4 fois ou plus pour les tomates cerises, les poivrons jaunes, les tomates rondes (Lidl) ou les courgettes (Lidl).

Les seuls produits dont les marges sont correctes (nettement inférieures à 2 fois le prix d'achat au producteur) sont ceux, peu nombreux, sur lesquels les enseignes appliquent des promotions ponctuelles (annoncées ou non) : abricots d'Espagne et fraises standard d'origine française chez Lidl, pommes royal gala du Brésil et fraises standard d'origine française chez Auchan Mistral 7.

Qui a dit que le hard discount était moins cher en fruits et légumes ?

Les relevés en font prendre un coup au dogme des bas prix dans le hard discount, alors que la loi de modernisation de l'économie entend favoriser ce format de magasin. Les tomates rondes vendues chez Lidl sont à 1,89 euro le kilo contre 1,69 euro chez Auchan. Encore faut il noter que le prix Lidl est d'autant plus surévalué qu'il s'agit de tomates de second choix dont le prix ne devrait pas en toute logique excéder 0,80 euro. De même, et cette fois à qualité égale, la courgette longue est nettement plus chère chez Lidl (1,79 euro le kilo) que chez Auchan (0,90) tout comme le poivron vert (3,29 euro le kilo contre 2,99), ou le poivron rouge (3,29 le kilo contre 1,99). Les fraises standard sont sensiblement au même prix chez les deux revendeurs (3,99 le kilo chez Lidl et 4,00 chez Auchan), ainsi que les aubergines (1,89 le kilo contre 1,95)

Les 2 seuls produits où l'enseigne de hard discount apparaît plus intéressante pour le consommateur que l'hypermarché sont le melon d'origine locale (1,65 la pièce, contre 2,99) et dans une moindre mesure les pêches (1,99 le kilo contre 2,59).

Les produits importés font ils baisser les prix au consommateur ?

Ce n'est un secret pour personne, les fruits et légumes importés des pays du sud ont des prix à la production nettement moins élevés que les produits français, que ce soit du fait des différentiels de salaires, mais aussi des normes beaucoup moins contraignantes en matière de produits phytosanitaires et de respect de l'environnement applicables en dehors du territoire national.

Les relevés montrent que cela a pourtant peu voire pas d'influence du tout sur les prix au consommateur, que ce soit dans le hard discount ou dans les grandes surfaces traditionnelles.

L'exemple du poivron rouge espagnol vendu chez Lidl est à ce titre éclairant. Son prix rendu sur le marché français se situe à 1,00 euro le kilo (mercuriales). Il est revendu 3,29 euro, soit plus de 3 fois son prix d'achat. Par comparaison, le poivron vert acheté 1,40 euro le kilo au producteur local (Min de Châteaurenard) est également revendu 3,29 euro chez Lidl. Derrière l'apparente identité de prix au consommateur se cache une marge plus importante sur le produit importé (+0,40 euro au kilo), sans aucune justification.

De même, les pommes chiliennes ou brésiliennes trouvées chez Auchan Mistral 7 sont vendues plus chères que les goldens françaises (entre 2,59 et 2,99 le kilo contre 1,99), également avec des marges plus importantes.

L'impasse des délocalisations

Si les salaires distribués à la main d'œuvre agricole espagnole sont par exemple 40% moins élevés qu'en France ou encore 8 à 10 fois moins élevés au Maroc qu'en France, si les techniques de production plus respectueuses de la santé et de l'environnement mises en œuvre en France représentent un différentiel de coût estimé en moyenne à +40% par rapport à l'Espagne, et encore plus par rapport au Maroc ou aux pays de l'hémisphère sud, les coûts de transport sont de leur côté en augmentation constante. Importer massivement des fruits et légumes sur de longues distances a pu être un certain temps rentable pour le porte monnaie du consommateur, mais l'est aujourd'hui de moins en moins, sans parler des marges beaucoup plus abusives appliquées par les distributeurs sur les produits importés que sur les produits français.

Quel est le prix environnemental de ces stratégies, que ce soit en épuisement des ressources naturelles dans les pays du sud ou en émissions de gaz à effet de serre du fait de l'explosion des transports de produits agricoles à travers la planète ?  

Chaque producteur français qui cesse son activité en raison des pratiques de la grande distribution est un coup porté à l'économie du pays et à sa souveraineté alimentaire. Mais dans un contexte de flambée du prix des carburants et de politique de marges toujours plus excessives de la grande distribution, les délocalisations de production qui résultent de la disparition de nos agriculteurs ne résolvent aujourd'hui non plus en rien les problèmes de pouvoir d'achat des consommateurs.

L'affirmation des pouvoirs publics selon laquelle la loi de modernisation de l'économie, en faisant encore baisser les prix fournisseurs est la seule réponse possible, mène droit à une impasse. Elle est en totale contradiction avec les recommandations du grenelle de l'environnement. En matière de produits alimentaires il faut au contraire avoir le courage politique d'encadrer par la loi les marges de la grande distribution et de réguler les importations. Il s'agit de l'intérêt du producteur, du consommateur et de l'environnement, mais aussi de la souveraineté alimentaire de la France comme des pays du sud.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche

Archives